Seydou Keïta

Le 21 mai. En ce jour en 1954, Seydou Keïta photographia trois femmes devant sa voiture à Bamako, au Soudan français.

Sur la carrosserie de la Peugeot, on peut voir le reflet de Seydou Keïta et de son trépied alors qu’il immortalise deux femmes adultes, une jeune enfant pieds nus et le bras d’un homme. La femme du milieu porte le motif Vlisco 14-0792 de années 1950. Selon le pays, ce dessin est surnommé « Tomate », « Collier » ou « Aklepan ». Après quelques petites retouches effectuées en 1977, ce tissu imprimé à la cire se vit attribuer la référence 14-3264.

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Seydou Keïta. Sans titre, MA.KE.064 : 1954. Tirage gélatino-argentique moderne. Courtsey CAAC – Collection Pigozzi Collection © Seydou Keïta/SKPEAC.

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Tomato | Necklace | Aklepan

Kodak Brownie Flash

Si de nombreux documents rendent compte du lien unique que partagent Vlisco et l’Afrique depuis de nombreuses années, seule une poignée de vieilles photos survit pour en témoigner. L’un des photographes africains qui a su immortaliser la connexion qui unit Vlisco à l’Afrique est Seydou Keïta, qui supplia un jour son oncle de lui donner son Kodak Brownie Flash. Lorsque Tièmòkò céda le vieil appareil photo en carton à son neveu, le jeune Seydou, alors âgé de 14 ans, sut immédiatement qu’il voulait être photographe, même s’il passa les dix prochaines années de sa vie à travailler comme charpentier. Ce n’est qu’en 1948 que Seydou réalisa son rêve, lorsqu’il ouvrit son propre studio photo à Bamako-Coura, La Nouvelle Bamako, juste en face de la prison. « Personne ne voulait vivre à cet endroit, à cause des « esprits » qui lançaient des cailloux dans la nuit. Aujourd’hui encore, si vous passez la nuit dans cette maison les lumières éteintes, vous verrez peut-être l’esprit d’un grand cheval blanc immaculé faire son apparition. On peut souvent l’entendre et le voir passer au triple galop, dans un halo de lumière blanche. Mais ça ne m’a jamais posé de problème, puisque pour prendre des photos, il faut laisser la lumière allumée. »

Un lieu de rencontre

En 1908, Bamako devint la capitale du Soudan français. La ville demeura sous le joug colonial de 1880 jusqu’au 20 juin 1960. Quelques mois plus tard, la ville devint la capitale de la République du Mali. Lorsque Seydou ouvrit son studio, la population de Bamako n’excédait pas les 100 000 habitants, mais la ville était un véritable carrefour où les Ivoiriens, les Burkinabés et les Nigérians en route pour Dakar faisaient étape. Son studio devint aussi un lieu de rencontre, un point de rendez-vous pour les habitants de Bamako. « Tous les citoyens de Bamako venaient me voir pour se faire prendre en photo. Surtout les samedis, ils venaient par douzaines. » Même le président Modibo Keïta lui rendit visite, puis déclara : « Si vous n’avez pas été photographié par Seydou Keïta, vous n’avez jamais vraiment été photographié. »

40 photos par jour

Au dos de chaque photo, un tampon à l’encre noire ou rouge identifiait officiellement le cliché comme photo prise par Seydou Keïta, et indiquait la date d’origine. C’est ce que l’on appelait alors une carte, et dans les années 50, une photo prise à la lumière du jour coûtait 300 Francs, tandis qu’un cliché à l’éclairage artificiel du studio coûtait 400 Francs, en raison du prix de l’électricité. Seydou prenait environ 40 photos par jour et (la plupart du temps), il ne prenait qu’un seul cliché par pose, aussi en raison des coûts. Seydou prenait plaisir à travailler et gagnait bien sa vie : sa passion lui permit de subvenir aux besoins de trois familles et en 1952, il put même acheter une Peugeot 203, premier modèle Peugeot lancé après la Seconde Guerre mondiale.

Officia pour le gouvernement

Mais en 1962, deux après l’indépendance du Mali, Seydou Keïta fut obligé de fermer son studio. Le nouveau régime socialiste qui prit alors le pouvoir souhaitait faire de Seydou le photographe officiel du parti. « On m’a clairement fait comprendre que c’est sur moi que l’État avait jeté son dévolu. » Ainsi, pendant les 15 années qui suivirent, Seydou officia pour le gouvernement, jusqu’à sa retraite en 1977. À cette date, il abandonna la photographie et passa le reste de ses jours à réparer des voitures et à prier à la mosquée.

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Illustration 2. Seydou Keïta. Sans titre, neg. 00975 : 1949. Tirage gélatino-argentique moderne. Courtsey CAAC – Collection Pigozzi Collection © Seydou Keïta/SKPEAC.

Portraits captivants

Seydou Keïta est à la source d’une vaste collection de superbes photos et portraits de gens de toutes sortes, habitants ou voyageurs traversant un pays en pleine transition, alors que Soudan français gagnait son indépendance pour devenir le Mali. Représentants gouvernementaux, policiers, militaires, esthètes, musiciens, écoliers, adolescents, mères et enfants, jeunes mariés, vieillards et bébés : tout le monde a un jour posé devant l’appareil photo de Seydou à La Nouvelle Bamako. Les portraits sont captivants, car les clichés contiennent de nombreux détails et caractéristiques intéressants. Seydou avait l’habitude de prêter divers accessoires à ses clients, tels que des montres, des stylos, des colliers, des fleurs en plastique, une radio, un téléphone, un réveil, son propre Vespa et sa Peugeot 203. Ainsi, si l’on examine attentivement les clichés, on retrouve les mêmes accessoires dans différentes photos.

D’Extraordinaires détails

Les arrière-plans qu’utilisait Seydou ajoutent également d’extraordinaires détails à ses photos : on sait par exemple que son propre édredon à franges lui servit souvent d’arrière-plan entre 1948 et 1954. « Parfois, les arrière-plans imprimés allaient particulièrement bien avec les vêtements que portaient mes clients, et surtout les femmes. » Les hommes qui occupaient certains postes officiels s’habillaient à l’européenne, mais pour les femmes, les tenues restaient encore traditionnelles à l’époque. « Les vêtements occidentaux, comme les jupes, ne firent leur apparition qu’à la fin des années 60. Les femmes venaient toujours vêtues de la longue robe traditionnelle. » Presque que toutes les femmes photographiées par Seydou portaient des tissus à motifs, comme les imprimés Wax de Vlisco.

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Seydou Keïta. Sans titre, MA.KE.308: 1952-1955. Tirage gélatino-argentique moderne. Courtsey CAAC – Collection Pigozzi Collection © Seydou Keïta/SKPEAC.

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L’œil de ma rivale | Moran’s eye

L’œil de ma rivale

H-516 est le motif Vlisco qui apparaît le plus souvent dans les photographies de Seydou. On le surnomme également « L’œil de ma rivale » ou ‘Moran’s Eyes’. Créé en 1949 par Bert Visser, H-516 devint vite un grand favori, et reste encore très populaire aujourd’hui. Tout comme ‘« Tomate »’, « L’œil de ma rivale » était vendu au Togo et au Congo dans les années 50, à plusieurs milliers de kilomètres du Mali. Ces tissus Vlisco finirent par apparaître dans les rues de Bamako grâce au commerce domestique, puisque la ville constituait une étape importante sur plusieurs routes empruntées par les marchands, telles que le fameux chemin de fer de Dakar au Niger (voie ferrée qui reliait Dakar à Koulikoro).

Un personnage formidable

Les photos de Seydou Keïta ont fait leur entrée sur la scène internationale en 1991, et depuis, ses collections sont célébrées de New York à Tokyo. Après sa mort, en novembre 2001, le New York Times l’a qualifié de « formidable figure de la photographie », saluant le style motif-sur-motif caractéristique de ses portraits. Aujourd’hui, les photos de Seydou Keïta peuvent se vendre jusqu’à 60 000 Euros pièce, détail ironique lorsque l’on sait que, de son vivant, l’artiste mettait tout en œuvre pour permettre à sa clientèle de se faire photographier à un prix abordable.

Note

Seydou Keïta a conservé plus de 15 000 photos et pour les dater, il suffit de prendre l’arrière-plan pour référence. De 1948 à 1954, il utilisait souvent son propre édredon à franges, de 1952 à 1955, un rideau gris foncé, en 1954 et 1955, un linge imprimé de petites fleurs. En 1954, il utilisait aussi parfois un tissu à carreaux noirs et blancs, en 1956, un tissu à feuilles, en 1956 et 1957 un motif en arabesque et de 1957 à 1961, un rideau gris foncé d’apparence neutre. Personne ne sait ce que sont devenues les photographies qu’il prit pour le gouvernement malien.

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